Hommage au Professeur Hugh R. Boudin

par Anne Joué, secrétaire de la Faculté depuis 30 ans

Le Professeur Hugh R. Boudin est décédé le 24 juillet 2023 à l’âge de 97 ans. Un culte d’adieu s’est déroulé le 12 septembre. Nous reproduisons ci-après l’hommage qui lui fut rendu par notre secrétaire, Madame Anne Joué à cette occasion.

Mardi 5 septembre, j’étais chez moi et le facteur sonne. Il avait un paquet pour ma fille.
Puis il me dit :
– Dites, vous n’avez pas habité au 29 dans le temps ? [plus haut dans la rue]
– Oui, en effet, mais c’était il y a longtemps.
– Alors j’ai quelque chose pour vous.
Il retourne à sa camionnette et revient avec une enveloppe.
Je reconnais l’écriture de Hugh R. Boudin.

Cette écriture, je la reconnaîtrais entre mille, elle est encore partout dans la Faculté de théologie où il fut recteur de 1977 à 1991 : dans les dossiers innombrables et de toutes sortes qu’il a traités, je retrouve sa trace, sous forme de commentaires, de rapports, de mémos, d’annotations.
Elle est sur la clef de la boîte aux lettres dont je me sers tous les jours depuis 30 ans.
Elle est comme une empreinte, une griffe de l’inlassable énergie que Hugh Boudin savait déployer, gérant tant de choses à la fois (rectorat et administration, cours et recherches, publications et passions connexes – et ici, je pense à la vexillologie). Elle est aussi la marque de son incroyable créativité et de la multiplicité de ses centres d’intérêt, et du travail mis en place pour atteindre des objectifs souvent ambitieux.

J’ai eu le privilège de travailler avec lui durant sa dernière année de rectorat.
Il ne m’a pas appris comment fonctionnait le secrétariat de la rue des Bollandistes ; mais il m’a donné des indications infiniment précieuses sur l’histoire et le fonctionnement de l’EPUB, sur les liens entre les personnes, entre les différentes institutions, toutes sortes de petites subtilités que j’aurais mise des années à découvrir sans son concours et qui m’ont souvent été bien utiles.

C’est lui qui, grâce à un subside du FNRS, informatisa la Faculté à la fin des années ‘80, équipant chaque service (rectorat, secrétariat, comptabilité, bibliothèque, communication) de ces tout premiers ordinateurs Apple (Apple parce que d’autres universités belges en étaient équipées et que Hugh Boudin était soucieux de ne pas isoler la Faculté sur le plan informatique).

C’est lui qui, à l’aide de son complice et successeur, Willy Willems, met sur pied ProDoc, le Centre de documentation du protestantisme belge, longtemps hébergé à la Faculté, qui sauva de l’oubli ou de la destruction quantité d’archives (dont une bonne partie des YMCA de Belgique), permettant ainsi de constituer un lieu de dépôt garanti pour tout document dont un particulier ou une paroisse souhaite se défaire tout en lui assurant un avenir et une exploitation judicieuse. Hugh Boudin et Willy Willems, tous deux historiens, faisaient régulièrement travailler leurs étudiants sur les archives du Centre.
C’est lui aussi qui emmenait ses étudiants visiter les cimetières pour repérer / nettoyer / restaurer / cataloguer les tombes de protestants connus ou moins connus.

C’est encore lui qui publia e.a. les références que sont aujourd’hui dans le monde protestant belge et outre-frontières, le Mémorial Synodal (à l’occasion des 150 ans du Synode national), la monumentale Bibliographie du protestantisme belge (qui rassemble tout ce qui a été publié sur le protestantisme dans nos régions entre 1781 et 1996), La croix et la Bannière, sur la résistance protestante, trop oubliée, pendant la guerre de ’40, et quantité d’autres ouvrages et monographies.
Sans oublier le grand événement que fut l’exposition en 1990 De Léopold 1er à Jean Rey, Les protestantes en Belgique de 1839 à 1989, à la chapelle de Nassau et qui reçut la visite du roi Baudouin en personne, mettant en exergue 85 personnalités protestantes de premier plan qui participèrent à l’histoire de notre royaume.

Mais Hugh R. Boudin, c’était aussi de petites habitudes (et que j’ai décalquées) qui intriguaient celles et ceux qui entraient dans son bureau, au rez-de-chaussée à l’entrée de la Faculté : tous les matins, à son arrivée, il marquait avec une punaise colorée sur un plan du quartier accroché au mur l’endroit où il avait garé sa voiture, afin de la retrouver rapidement le soir ; autre petite habitude (souvent objet de plaisanteries bien que le but en était honorable), faire de la récup’ de papier : il découpait de « vieux » papiers pour en faire des carnets de notes (même quand il faisait passer des examens ou lors d’entretiens), et les grands formats genre affiche devenaient des fardes à rabats. J’en retrouve encore.

Et maintenant : vous vous demandez peut-être ce qu’il y avait dans cette fameuse enveloppe dont je parlais au début de cet hommage : le contenu en était assez récent finalement (janvier 2023), c’était un courrier de remerciement pour les messages de soutien reçus lors du décès de sa chère Brigitte [son épouse].

Vous voilà réunis à présent. Et pour l’éternité.
Adieu Monsieur Boudin.